Les vacances illimitées pour améliorer la productivité ?

C’est un concept managérial innovant : dans plusieurs start-up et entreprises françaises, les vacances sont illimitées et la gestion des horaires est libre. Focus sur une méthode de management qui prend de plus en plus de place.

 

Né dans la Sillicon Valley, aux Etats-Unis, le système des vacances illimitées a été adopté par Netflix dès 2004. Le développement des vacances illimitées outre-Atlantique s’explique notamment par un droit du travail beaucoup moins favorable qu’en France : l’employeur n’a aucune obligation légale d’octroyer des congés payés à ses salariés. En 2016, un travailleur américain a profité en moyenne de 16 jours de congés payés.

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En France, le droit du travail est bien plus favorable et pourtant ce système semble attirer de plus en plus l’attention des employeurs. Selon une étude menée par le site de recherche d’emploi Joblift en Mai 2018, les offres proposant des congés illimités ont en effet augmenté de 60% sur les douze derniers mois.


Pour François Raynaud de Fitte, cofondateur de Popchef, offre à sa trentaine de salariés des vacances illimitées, l’idée est de mettre en place une véritable culture d’entreprise sur la base de deux maîtres mots : la « liberté » et la “responsabilisation » des salariés. Le principe est celui de la confiance réciproque. « Dans notre start-up, on a voulu remplacer la culture des horaires par la culture des résultats. Si un salarié a atteint les objectifs qui lui étaient fixés, alors tant mieux s’il peut partir en vacances et se reposer » résume François Raynaud de Fitte. Aussi, les salariés choisissent eux-mêmes les horaires de travail qui leur conviennent.


« Responsables » et « autonomes », ils n’abusent toutefois pas des possibilités qui leur sont offertes. Sur un an, en comparaison avec une entreprise appliquant le droit du travail tel que défini par les textes de loi (5 semaines de congés payés par an), les salariés de Popchef ne prennent finalement que trois ou quatres jours de congés supplémentaires. Pour que cette pratique fonctionne, les dirigeants accordent une importance primordiale au recrutement de profils adaptés.


A Remiremont, dans les Vosges, le groupe immobilier « Avinim » a mis en place le principe des vacances illimitées pour sa dizaine d’employés, il y a maintenant trois ans. Un précurseur en France. Et le constat est similaire : les salariés sont heureux, responsables et n’en abusent pas. « En moyenne, les salariés prennent une semaine supplémentaire de congés payés » révèle Martial Demange, gérant du groupe. Mais il ne s’attarde jamais sur la comptabilisation des jours de congés. « Pour moi, c’est un moyen de témoigner ma confiance à mes collaborateurs ». La notion de confiance et de délégation, ce sont des éléments que Martial Demange, membre du Centre des Jeunes Dirigeants depuis vingt ans, s’emploie à cultiver. “C’est un état d’esprit » explique-t-il. Trois ans après la mise en œuvre de cette pratique, salariés et dirigeant sont satisfaits. Bonne ambiance, bien-être et résultats probants, le contrat semble donc rempli. Martial Demange conclut : « Je ne suis pas philanthropique, mais je pense vraiment qu’il y a un intérêt au bien-être des collaborateurs, et que ça s’en ressent sur les performances. Si notre groupe immobiliser a survécu après la crise, je pense que ce système n’y est pas pour rien ».

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En plus d’être reconnaissants, les salariés sont aussi attentifs à l’intérêt général de l’entreprise. « Dans une entreprise normale, chaque salarié prend ses jours de congés quand il le souhaite, sans trop regarder autour de lui. Chez Popchef, chacun est responsable et fixe ses congés en fonction des autres collaborateurs, en prenant soin de ne pas mettre l’activité de la boîte en péril ». Cette pratique permet ainsi de renforcer la motivation et la cohésion d’équipe.


Et bien sûr, l’avantage se répercute sur l’efficacité et le moral des salariés : puisqu’il est possible de prendre des jours de plus, l’heure n’est pas à angoisser d’avoir épuisé son quota. Les vacances illimitées sont même un outil pour rester en forme. Lorsqu’on commence à fatiguer, on peut poser des jours. C’est bien ce qui plaît à Gwen Rivet, Growth Hacker chez OpenClassrooms : « c’est génial de savoir qu’on a la possibilité d’en prendre un peu plus si besoin ».


Les dirigeants d’OpenClassrooms l’ont bien compris. Pour eux, prendre des vacances est positif pour la santé des collaborateurs et donc sur leur capacité à mener à bien leurs missions. Et par « vraies vacances », Mathieu et Pierre, les co-fondateurs, entendent des périodes longues. Alors pour être certains que les collaborateurs les posent, ils ont mis en place une prime de 1000€ pour quiconque poserait trois semaines au moins d’affilée.


Pour Clémence Decoene, responsable Marketing de Popchef, la flexibilité que les vacances illimitées offrent est très appréciable. Pour cette grande voyageuse, il est très pratique de ne pas avoir à poser ses vacances des mois auparavant : « Je pose souvent des jours la veille. Et de manière générale, on bénéficie tous de cette flexibilité : une fois, je devais partir au Sri Lanka, et mes billets ont été annulés. J’ai pu en reprendre un peu plus tard sans problème ».


Néanmoins, les français restent encore méfiants vis-à-vis de ce modèle. Gilles Satgé, PDG de Lucca : « Pour moi, c’est de l’hypocrisie. Juste une belle vitrine, mais en pratique, cela doit créer des tensions au sein des équipes ».


 

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Vacances illimitées : fausse bonne idée ?

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Et pour cause : si cela dérape, ça peut vite poser des problèmes dans les équipes, voire mettre en danger la productivité de l’entreprise.


Même dans les entreprises où le concept marche bien depuis plus d’un an, Gwen Rivet, imagine les risques : « Certains pourraient en profiter plus qu’ils ne le devraient. Il pourrait aussi y avoir pas mal de pression inconsciente vis-à-vis des collaborateurs : si personne ne prenait autant de vacances qu’on le voulait, on n’en prendrait pas non plus. Ou si jamais tout le monde se mettait à en prendre trop, cela pourrait mettre en danger l’activité de l’entreprise ».


Le travail offre forcément des contreparties, et là, il n’y a plus de barème entre le patron et l’employé. Gilles Satgé explique : « On se demande quelle est la règle : on prend des congés quand on veut, pour peu que le travail soit fait, mais où fixe-t-on le travail demandé ? Ce n’est pas faire un cadeau à quelqu’un que de ne pas clairement définir ces termes. Pour moi, les bons comptes font les bons amis. Là soit l’employeur, soit l’employé en profite ».


En pratique, il peut y avoir des différences entre les salariés, occasionnant des tensions dans les équipes. Selon Gilles, « Une personne surchargée prend moins de congés. Cela crée des injustices ».


Enfin, Gilles voit les vacances illimitées comme une hypocrisie de la part de patrons qui tablent sur le fait que les employés n’oseront pas les prendre et économisent ainsi des charges. « Certains le font pour de mauvaises raisons. Ils savent que leurs employés auront la pression et qu’ils ne prendront pas autant de vacances, et en plus, ceux qui ont des boîtes aux Etats-Unis le font car ainsi, ils n’ont pas à provisionner de congés payés et y gagnent financièrement. C’est hypocrite de donner l’impression de choyer ses salariés quand on le fait dans un tout autre but ». En effet, selon une étude de CareerBuilder effectuée en 2011 sur 5600 travailleurs nomades, 12% des salariés culpabilisent de ne pas être au travail quand ils sont en vacances et 30% des personnes partant en vacances prévoient de contacter leur bureau et d’emporter du travail, sans compter le risque de se faire devancer par ses collègues. Mais ce système de management a tout de même le mérite d’augmenter la productivité par la compétitivité entre les salariés. Ainsi, les entreprises ayant choisi d’appliquer ce mode de travail augmentent considérablement leur taux de productivité : par exemple, GoHealthInsurance, important site de comparateur de mutuelles aux États-Unis, a augmenté sa productivité de 200% en un an grâce aux vacances illimitées.

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En plus de gagner davantage d’argent, l’entreprise se débarrasse également de la paperasse administrative liée aux congés. Les vacances illimitées semblent donc profiter davantage à l’entreprise qu’au salarié.


Une comptabilité culturelle ?

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Selon Martial Demange gérant du groupe immobilier « Avinim » « le nombre de salariés n’est pas un obstacle ». Par contre, le fonctionnement de l’entreprise peut en être un dans certains cas.

En effet, pour fonctionner, les vacances illimitées doivent s’inscrire dans un certain contexte, et partant de là, les employés comprennent le contrat tacite : job fait et bien fait → vacances à la carte.


Cela fonctionne apparemment dans des entreprises où les collaborateurs sont très autonomes dans leurs décisions, comme le précise Clémence de Popchef : « Cela doit fonctionner moins bien si les gens ont besoin d’être très encadrés ». De même, pour François, « cela dépend de la culture de l’entreprise : si c’est très hiérarchisé, si on met en place les vacances illimitées, les gens auront peur d’en prendre. Mais dans une entreprise libérée, où l’on écrase la hiérarchie, dédramatise la sieste et le télétravail, cela marche »

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Pour Clémence : « C’est plutôt un état d’esprit particulier. Chez Popchef, on déteste le micro-management, on accepte les erreurs, on prône la responsabilité, l’autonomie, la confiance. Les vacances illimitées font partie de ce fonctionnement, tout comme les siestes, les horaires flexibles… On ne rend pas de comptes ».


Quid du cadre juridique

 

Ce concept de management innovant conduit à repenser le temps de travail au sein de l’entreprise. Mais est-ce légal en France ? Le cofondateur de Popchef le reconnaît, le code du travail français peut entraîner quelques complications. Un salarié sur le départ pourrait arguer du fait qu’il a eu moins de jours de vacances que ses collègues et ainsi saisir le Conseil de prud’hommes. Néanmoins, comme l’affirme François Raynaud de Fitte, « ce n’est pas du tout la culture de l’entreprise. Les salariés sont plutôt très reconnaissants de cette mesure ».

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De plus, dans les entreprises au fonctionnement plus traditionnel, qui conviennent parfaitement à de très nombreux professionnels, ce concept peut aussi être mis en place avec certains aménagements. Selon Gilles de Lucca, « Si le temps de vacances maximum pris est défini en amont en accord avec l’employé, par exemple à la signature du contrat, ou sur une base annuelle, c’est acté et cela part sur une base saine entre patrons et collaborateurs ». Ces cadres juridiques sont alors garants du fait que la pratique ne débordera pas, et tant mieux.


Tout est donc possible : aux entreprises de placer le curseur et de définir comment mettre en place ce concept. D’après les tests réalisés jusqu’à maintenant, cette méthode de management ne fait pas « exploser » le nombre de jours de vacances pris par les salariés. Il a le mérite de permettre plus de flexibilité pour les collaborateurs, dans un monde du travail en perpétuelle évolution, tout en améliorant la productivité de l’entreprise.


Toutefois, pour que ce système puisse réellement augmenter la productivité, il faut que les missions des salariés soient bien précises et clairement définies. Le moindre “égarement” des salariés doit être recadré le plus rapidement possible. Le risque dans ce management basé sur la confiance, c’est que lorsque cette dernière est rompue, le fonctionnement de l’entreprise peut en pâtir.


Reste à savoir si cette pratique pourra à l’avenir s’imposer dans les grandes entreprises françaises. L’idée s’est développée dans de très grandes entreprises américaines. Alors pourquoi pas en France ?

 

Thème(s) : Ressources Humaines, Environnement de travail, Bien-être au travail

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