Changement de paradigme pour les RH ?

La crise sanitaire liée au Covid, le passage en confinement et la mise en place d’un télétravail obligatoire ont profondément modifié le quotidien des entreprises de façon structurelle et organisationnelle, qu’importe leur taille.

Au soir du 17 mars, il a fallu réagir dans l’urgence pour s'adapter le plus rapidement possible au contexte et aux nouvelles normes imposées par la crise en vigueur, sans perdre en efficacité.

Les managers ont, dans la foulée, convoqué leurs équipes pour mettre en place de nouveaux process, tant pour les services opérationnels que pour les commerciaux, ou encore la communication et le marketing.

Les équipes RH n’ont pas été en reste avec une grosse partie logistique : le passage en télétravail (et les outils qui en découlaient), la mise en place du chômage partiel pour certaines entreprises puis la préparation au retour dans les locaux.

Si d’autres départements ont désormais repris leurs habitudes et process d’avant Covid, les ressources humaines sont probablement face à un nouveau paradigme, une nouvelle façon de penser dans la réalisation de leurs missions. C’est à cela que nous allons nous intéresser ici.

Pour étudier la question, nous allons nous appuyer sur la très complète étude réalisée il y a peu par Payfit, auprès de RH et collaborateurs de grands groupes, de scale ups et de startups mais aussi sur l'interview de notre expert RH grands groupes Clément Pech.

1. LEVIERS DE RÉTENTION DES TALENTS EN MUTATION

Cette période de confinement et de télétravail ont mis sur le devant de la scène un questionnement sur la fameuse quête de sens et ont fait éclater au grand jour une forme d’introspection professionnelle chez chacun d’entre nous.

Suis-je vraiment épanoui et heureux dans mon job ? Est-ce que je partage réellement les valeurs véhiculées par mon entreprise ?

Parfois ces questions étaient enfouies derrière un quotidien bien rythmé et quelque peu routinier ; ces derniers mois ont été un véritable révélateur à ce niveau, accélérant pour certains des envies de changement.

En conséquence, les leviers de rétention des talents ont eux aussi évolué, que ce soit dans les grands groupes, les scale ups et les startups.
L’étude révèle que si la responsabilisation et les perspectives d’évolution constituent toujours le principal levier de motivation des troupes, la surprise vient de l’évolution salariale, (deuxième levier le plus cité avant la crise), qui chute à la sixième place.
L’évolution des rémunérations a été en majorité gelée ; certaines entreprises ont même demandé à leurs employés de baisser leur salaire.

La quête de sens et l’alignement sur les valeurs font une grosse percée bien-sûr, notamment pour la fameuse génération Y, les Millenials, mais aussi des données plus subjectives liées au bien-être au travail, à l’aspect relationnel entre les collaborateurs et les équipes via des activités pratiquées ensemble. Le sport et les activités de détente règnent en maître à ce niveau, devenant ainsi un outil indispensable pour les RH à travers cette mission de rétention des talents.

Concernant les grands groupes, Clément, notre expert RH nous précise que pour le moment l'heure est encore à l'audit.

"Les services RH prennent en compte les retours des collaborateurs sur leurs besoins. Néanmoins il y a une volonté d'apporter de la souplesse dans les nouvelles méthodes de travail."

2. ATTIRER DES PÉPITES AVEC UNE PLUS PETITE ENVELOPPE DANS UN MARCHÉ QUI SE TEND

Si de nombreuses entreprises vont naturellement ralentir l’arrivée de nouveaux collaborateurs, les talents les plus rares sont toujours vivement recherchés. La guerre des talents continue donc bien qu’elle se concentre sur quelques profils-clés.

Pourtant, l’impact en termes de business a été considérable pour beaucoup de sociétés avec, par effet boule de neige, des ressources financières moins importantes allouées aux salaires d’embauche.

En parallèle, l’envie d’ailleurs de certains collaborateurs en quête de sens et de nouveaux challenges a été renforcée par le confinement et a rendu ces “supers-talents” encore plus exigeants.

Phénomène qui explose donc en cette période de reprise post Covid : les entreprises cherchent de nouveaux leviers pour attirer les fameuses “pépites” qui font rêver tous les recruteurs.

Comment continuer d’être attrayant dans son recrutement avec moins de moyens ou autant qu’avant mais au sein d’un marché plus tendu ?

La solution naturelle est d’aller dans le sens des collaborateurs et de s’attarder sur un package recrutement nettement plus étoffé afin de compenser l’assèchement de l’enveloppe financière directe. Plusieurs options sont possibles : créer des programmes sportifs et de bien-être, des tickets restaurants ou des food corners par exemple.

3. RE-ENGAGER SES ÉQUIPES EN SE FOCALISANT SUR LE LIEN SOCIAL

Des collaborateurs qui sont restés à minima du 17 mars au 11 mai confinés chez eux ; soit presque deux mois ; des entreprises qui ont étendu ce télétravail à juin, à septembre ou même au début de l’année 2021 ; une multiplication des échanges en visioconférence, souvent dans des conditions délicates et anxiogènes.

Toutefois, notre expert Clément souligne que les départements RH ont rivalisé d'imagination pour maintenir le lien social, en mettant en lumière le quotidien de certains collaborateurs : recettes, activités, tips.

Cette proximité à d'ailleurs portée ses fruits même après le déconfinement. 

Toute fois qu’on le veuille ou non, l’engagement des collaborateurs, leur sentiment d’appartenance à l’entreprise en a pris un coup. En découle, une nécessaire opération de “ré-engagement” des RH pour remobiliser leurs équipes et rebondir ensemble après cette période difficile vers un objectif commun.

L’étude Payfit précise que si le rôle initial du RH est d’avoir une proximité opérationnelle avec ses équipes (à 63%) ; après la crise, l’importance de cette mission baisse (à 47,4%) pour faire place au “renforcement de l’esprit d’équipe”, qui bondit de 10 points.

Ce changement est nécessaire pour renforcer les liens d’équipe, conserver la motivation et l’engagement de ses collaborateurs.

Nous apprenons également qu’un DRH sur deux voit dans son rôle plus d’accompagnement qu’auparavant ; il faut davantage accompagner les équipes, maintenir ou réactiver l’engagement des collaborateurs en focalisant ses efforts sur le fait de recréer du lien social au sein de l’entreprise.

Enfin, 78% des DRH prévoient de développer des initiatives pour recréer du lien et notamment avec des moments de partage en équipe.

Le caractère rassembleur et fédérateur du sport est aujourd’hui unanimement partagé par l’opinion commune grâce aux moments privilégiés de partage, d’échange et de cohésion d’équipe qu’il procure. Les barrières hiérarchique tombent ; tout le monde est sur le même pied d’égalité dans le sport. De plus, on rencontre de nouvelles personnes, ce qui facilite par exemple les échanges entre départements par la suite.

Proposer des activités sportives et de détente de façon régulière au sein de l’entreprise est sans nul doute la nouvelle clé des RH pour retrouver et dynamiser le sacro-saint “lien social”, en provoquant un temps fort où les collaborateurs se retrouvent, se dépassent, se challengent et progressent ensemble dans les sourires et la bonne humeur.

4. MAINTENIR DE LA COHÉSION D'ÉQUIPE EN TÉLÉTRAVAIL

Va-t-on revenir aux bureaux aussi souvent qu’avant la crise ou le télétravail va-t-il vraiment se généraliser ? Certains secteurs ou départements vont-ils être encouragés à le privilégier pour économiser des mètres carrés de bureau par exemple ?

Quoiqu’il en soit, il y aura un avant et un après le Covid sur le sujet.
Les entreprises ont été à l’écoute de leurs collaborateurs et ont installé davantage de souplesse et de flexibilité quant au télétravail.

Clément insiste sur ce point :

"Les besoins sont très protéiformes et différents, certains veulent revenir au bureau et se reconnecter, d’autres veulent prolonger ce rythme en télétravail, pour pouvoir partir vivre en province…
Dans le dispositif que nous allons mettre en œuvre, il faudra qu’on puisse apporter de la flexibilité, c’est selon moi, le vrai enjeu aujourd’hui."

Il va de soi que cela nécessite de créer et d’affiner de nouveaux process pour conserver une efficacité opérationnelle identique au fonctionnement sur site.

Il y a également un virage à prendre avec un nouvel enjeu de cohésion d’équipe à maîtriser pour les RH, entre les collaborateurs en télétravail et ceux sur site.

Comment continuer de rassembler, de créer du lien alors que les personnes ne sont pas physiquement réunies ?

Nous l’avons vu pendant le confinement, les activités en visioconférence ont eu le vent en poupe et ont permis aux personnes de conserver du lien social.

En effet, nous sommes très nombreux à avoir suivi avec passion des cours de sport en tout genre derrière nos écrans. Si les cours en “physique” retrouveront la préférence des utilisateurs, il n’en reste pas moins que les cours en visioconférence pourront jouer ce rôle rassembleur entre collaborateurs “éclatés” sur différents sites, devenant ainsi une vraie solution cohésion d’équipe et lien social pour les RH.

Nous le voyons ici, si les missions des RH restent identiques à l’avant Covid, l’ordre des priorités, ainsi que les outils et moyens pour les réaliser sont en pleine évolution.
Pour étayer cette réflexion, cette étude précise d’ailleurs que 67% des DRH pensent qu’il faut renommer la fonction DRH ; “Avant la crise, le DRH était un business leader. Après la crise, il nous faut devenir des People Leaders.”, comme le précise un DRH de grand groupe. 

Nous affectionnons ce terme de People Leader, qui permet de faire l’analogie sport/entreprise, avec le manager d’une équipe sportive professionnelle, lui-même assigné aux missions de DRH avec une équipe à recruter, à entraîner (dans les deux sens du terme), rassembler, recadrer, motiver et focaliser sur un objectif commun.

Le sport et le monde de l’entreprise ne font qu’un à bien des égards.